L’entrepreneuriat des jeunes au Bénin est un véritable parcours du combattant. Si beaucoup de jeunes béninois préfèrent attendre les concours pour espérer une place dans la fonction publique, il y en a qui ose espérant des lendemains meilleurs. C’est le cas de Camille Segnigbinde. Nous sommes allés à la rencontre de ce jeune béninois qui livre dans cet entretien les difficultés rencontrées dans la mise en place de son entreprise et ses espoirs pour un secteur privé béninois plus épanoui.
1- Présentez-vous à nos lecteurs
Mon nom est SEGNIGBINDE Akotègnon Camille. Je suis journaliste, facilitateur de contacts d'affaires et chef d'entreprise. En ces deux dernières qualités, je coordonne pour le compte d’Africa Rise, un organisme non gouvernemental de droit belge spécialisé dans le brassage entre les opérateurs économiques du nord et du sud, l'Afrique de l'Ouest notamment. Et, je suis par ailleurs, le Directeur général de la SARL "Agence Visuelle Et Logistique Bénin. Cette entreprise est spécialisée dans la communication de façon globale et visuelle en particulier.
2- Pourquoi avez-vous choisi d'entreprendre dans ce domaine ?
Je voudrais rappeler une fois encore que je suis journaliste donc pas loin du métier de communicateur. Mais la raison principale est que ce secteur regorge encore de potentialités par rapport au marché qu’il faudra exploiter. Nous sommes aujourd’hui dans une société de l’information ; c’est pourquoi toutes les entreprises sont appelés à communiquer et être proche de leurs clients à travers tous les supports actuels de communication tels que les réseaux sociaux et autres. Maintenant, nous nous sommes aussi lancés dans ce domaine (nous intervenons dans d'autres domaines aussi) parce que nous avons la chance d'être présents aussi au cœur de l'Europe (en Belgique) et en Afrique du Nord (au Maroc). Dans ces régions, la communication digitale et visuelle est très valorisée. Donc, notre marché ne se limite pas à celui du Bénin.
3- Avez-vous éprouvez des difficultés pour installer votre entreprise ?
Oui. Plusieurs d’ailleurs. Nous avons opté pour l'assistance d'un cabinet notarial pour la création de notre entreprise. Ce qui a facilité les choses du point de vue formalité. Mais, l'une de nos principales difficultés a été la location du bâtiment où nous installer pour notre visibilité. C'est tout une pagaille dans le secteur de l'immobilier chez nous au Bénin surtout à l'endroit des entreprises, les plus jeunes notamment. Il suffit que le propriétaire apprenne que c'est une entreprise pour que le local qui devrait être cédé aux particuliers à 30 000f cfa passe à 70 000 f. Donc plus du double. Une autre difficulté est l’information par rapport à certaines démarches pour que l'entreprise soit en règle vis-à-vis des différentes structures étatiques. Certes, il y a des structures créées à cet effet pour orienter et assister les créateurs d’entreprises, mais la mauvaise nouvelle est qu'il y a eu tellement de reformes (faites et défaites) que ces structures se perdent elles-mêmes dans les orientations.
4- Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez dans l’exercice de vos activités ?
Il n’y a pas qu'au démarrage que les difficultés se sont faites ressenties. Nous nous sommes confronté à plusieurs autres difficultés au cours de notre premier exercice. Il s'agit de deux difficultés majeures. Le management et les impôts. Pour le management, je crois qu'il y a beaucoup d’illusions dans le pays autour du terme "leadership" galvaudé aujourd’hui notamment dans la masse juvénile. Nous avons commis l'erreur d'avoir cru que parce qu'on a beaucoup milité et qu'on nous a souvent qualifiés de jeunes leaders, que nous avions les outils pour gérer. Entre les théories et la pratique, le fossé est grand. C’est pourquoi les programmes d'incitation des jeunes à l'auto emploi doivent prendre cette réalité en compte. Car, l'entrepreneuriat, c'est une école en lui-même et nous avons beaucoup appris de nos erreurs du début.
Concernant l'impôt, j'ai l'impression que tout l'arsenal pour tuer les entreprises dans l'œuf est mis en place pendant qu'on chante au quotidien que la porte de sortie du chômage des jeunes est l'auto emploi. Alors que nos autorités se foutent royalement de la survie des jeunes entreprises. La réalité est là: Plus de 80% des jeunes entreprises formelles meurent avant leur 1 an. Juste parce qu'on ne leur permet pas de s'asseoir avant de les assommer aujourd'hui avec les impôts. Vous imaginez, on demande à un jeune de formaliser son entreprise avec moins de 20 000 fcfa et dès son premier exercice, on lui flanque près de 400.000 fcfa d'impôt. On espérait que la Taxe professionnelle synthétisée (Tps) appliquée aux micros et petites entreprises depuis le début de l'année 2016 règle le problème, mais ça risque de s'empirer. Car, j'ai surpris, il y a peu, un cadre de l'administration des impôts en train de dire que s'ils appliquent à la lettre ce qui est dans la réforme de la TPS que l'État va manquer de moyens pour fonctionner. Alors que l'objectif du départ est d’élargir l’assiette fiscale.
5- Est-il facile pour un jeune d'entreprendre au Bénin ? Quel appel avez-vous à lancer aux autorités béninoises ?
Comme je le disais un peu plus haut, c'est malheureusement un piège, dans l'environnement actuel au Bénin, pour un jeune de créer une entreprise formelle. Et je ne parle pas de ces jeunes qui ont des parents et alliés dans les structures publiques et qui vont créer des entreprises uniquement pour prendre des marchés publics. Je parle des jeunes qui ont la volonté de créer de la valeur ajoutée, d'employer leurs pairs, de produire, de se lancer dans l'industrie. Les réalités sont là. Il n'y a même pas l'électricité et l'eau, le minimum pour faire fonctionner les entreprises. Vous imaginez, vous venez au bureau 15 jours sur 30, il n'y a pas l'électricité, vous prenez le carburant pour faire fonctionner votre groupe électrogène et pourtant votre facture d'électricité sera encore supérieure à celle des mois ou vous aviez eu la chance d'avoir de l'électricité. Donc, une double facture d'électricité pour vous à la fin du mois. L'autre chose, nous avons pu mettre à l'épreuve nos banques, les quatre premiers mois de 2016 pour voir leur réaction face aux initiatives entrepreneuriales des jeunes. Les preuves sont là, elles en sont insensibles. Elles se contentent juste de mobiliser nos épargnes et de faire du commerce. Elles ne favorisent pas l'accès aux crédits aux jeunes entreprises. Il y a plusieurs autres à l'entrepreneuriat des jeunes dans notre pays.
Je crois qu'il y a beaucoup d'incantations dans la politique de l'auto emploi des jeunes au Bénin. Les autorités doivent être réalistes et œuvrer réellement pour des conditions favorables à l'entrepreneuriat. Je vous remercie